Drôle de voyage dans un pays qui n’existe pas, témoignage de Karin sur sa maladie rare 

16 juin 2022

Inspiration, Médias

Le 27 septembre 2019 Karin Tourmente- Leroux apprend qu’elle a une maladie rare : une thrombocytémie essentielle. C’est ce jour-là que commence son drôle de voyage dans un pays qui n’existe pas. Elle raconte d’abord cette nouvelle aventure sur la toile puis décide de prendre sa plume (d’ancienne journaliste) pour retranscrire son blog dans un livre afin de partager son quotidien et son optimisme sans faille sur cette maladie du sang qui ne touche qu’une personne sur 100 000. 
Découvrez son témoignage à son image : authentique et plein d’autodérision, qui nous ramène à l’essentiel : VIVRE !

Peux-tu nous parler de ton parcours de vie ?

Je suis l’aînée d’une fratrie de trois garçons, ce qui explique sans doute mon caractère bien trempé. J’ai réalisé mon rêve d’enfant en devenant journaliste pendant près de vingt ans. Au cours de ces vingt ans, j’ai rencontré mon prince charmant qui m’accompagne toujours, avec lequel je suis mariée depuis bientôt trente ans. Nous avons eu trois adorables petits monstres qui sont devenus des gens et des adultes exceptionnels. Ils ont 26, 23 et 19 ans. On a déménagé à la campagne il y a plus de dix-sept ans : on a quitté la région parisienne pour s’installer aux portes de l’Eure. J’ai changé de boulot. Je suis devenue responsable de communication d’un homme politique national pendant dix ans. Dix ans avec une vie un peu trop dense. Entre la casquette de maman, une maison à la campagne (ça veut dire aussi être « Maman taxi » quand on a des enfants), un boulot H24 parce qu’en politique il n’y a pas de pause !

J’ai explosé en vol et j’ai fait un burn-out en 2015. Début 2016, j’ai démissionné et j’ai monté ma boîte de communication pour faire quelque chose qui m’éclate, choisir avec qui je voulais travailler sur des sujets qui m’intéressaient et à mon rythme. En 2018, j’ai arrêté de fumer – et c’était quelque chose car j’étais accro ! Je me suis sentie alors très fatiguée. Je me dis que c’est à cause l’arrêt du tabac et du café… Mais mon médecin me prescrit des analyses. Elle traîne sur mon bureau et puis un jour j’y vais et là « bingo », on s’aperçoit de mon nombre de plaquettes trop important. J’ai passé alors une batterie d’examens. Puis j’ai été orienté vers un hématologue qui a tout de suite posé le diagnostic de thrombocytémie essentielle. Et depuis je suis sous Hydrea, de la chimio orale qui fait partie de mon quotidien, tant que je la supporte.

Comment ça se passe dans ton quotidien ? Est-ce que le traitement te fatigue ? Est-ce que tu dois avoir une hygiène particulière ?

On peut vivre normalement en théorie. Mais je suis fatiguée. Est-ce que c’est la maladie qui fatigue ou le traitement, on ne sait pas vraiment. Les médecins n’ont pas tous le même avis à ce sujet. Donc l’idée, c’est de ralentir. J’ai nettement ralenti le rythme :  avant, j’avais les dix doigts dans la prise ; maintenant, je n’en ai plus qu’un et demi parce que, sans une sieste, j’ai du mal à tenir et que j’ai besoin de mes nuits de huit heures. J’ai muté en marmotte ! Je suis plus au ralenti mais mon hématologue dit toujours que je suis toujours la plus active de ces patientes. Je ne me considère pas vraiment malade, j’ai accepté de cohabiter avec « ma copine thrombo » : ce n’est pas une maladie, c’est une nouvelle vie ! Si je me considère malade, je fais trop d’honneur à la maladie, je luis laisse trop de place. J’aime trop la vie pour me pourrir la vie avec cette pathologie !

J’ai dit à une amie « mais pourquoi je n’ai pas eu un cancer du sein comme toi ? Et elle m’a répondu « à personne exceptionnelle, maladie exceptionnelle. » et cela m’a fait sourire.

Tu avais une vie professionnelle à 100 à l’heure et une collègue te surnommait même 100 000 volts, penses-tu que la maladie t’a fait ralentir, t’écouter davantage ?

Je n’aime pas la notion de s’écouter car s’écouter cela veut dire être le nombril du monde.
Je vais jusqu’où mon corps veut bien aller. Il y a des moments où les pauses s’imposent, quand le corps tire trop, lâche. Alors je me dis « OK j’ai compris. Nous sommes tous les deux le centre de l’univers. Toi et moi, on va se poser, on va se calmer un petit peu. Juste le temps de recharger les batteries… »  Mais être le nombril du monde, c’est être autocentré et être autocentré, c’est passer à côté de tout, de toutes les choses magiques autour de soi.
Je pense que la maladie m’a appris à ralentir et à regarder les choses un peu autrement. J’ai dû poser mes valises et prendre le temps : pour me ressourcer, apprendre à dire non, faire du tri dans mes relations, mes projets. Ma thrombo est tombée au moment du confinement et donc tout cela s’est fait naturellement durant toute cette période de monde entre parenthèses.

Comment cela s’est passé avec ton entourage ?

Dans un premier temps, j’ai hésité à le dire à ma petite dernière pendant quelques jours. Puis je me suis dit : « elle vit avec nous, elle va bien voir que je suis au ralenti. » J’ai eu de la chance car mon entourage a super bien réagi. On n’a pas employé le mot cancer car moi-même je n’arrivais pas à le dire. Sauf quand ma fille avait besoin de l’utiliser pour trouver une excuse, pour ne pas apprendre une leçon d’allemand par exemple (rires).
On a toujours pris le parti de positiver à la maison et je pense que l’entourage est vraiment essentiel.
J’ai fait mon premier voyage à l’étranger en février dernier et j’angoissais à l’idée de tenir le rythme comme nous partions visiter une capitale et que nous adorons le faire à pied. On a même réussi à faire 14 kilomètres un jour, et j’étais très fière. Certes, on a fait des pauses qu’on ne faisait pas avant. Mais ils sont cools, ils savent s’adapter car je ne peux plus tout faire comme avant.

Qu’est-ce que cela t’a apporté d’écrire ?

J’ai souhaité partager une expérience de vie parce qu’étant journaliste à l’origine je me suis dit « c’est une maladie rare  et qui dit rare dit qu’il faut partager. C’est une expérience à raconter. » De plus j’adore écrire et c’était un moyen de dédiaboliser cette pathologie. C’était instinctif, il fallait que je raconte, que je partage, que d’autres sachent ce que c’est. C’était important pour moi d’expliquer, de transmettre et de mettre des mots sur des maux. Je discutais hier avec quelqu’un qui a lu mon livre et qui a la même maladie. Elle m’a dit que j’avais réussi à mettre des mots sur ce qu’elle ressentait mais qu’elle n’arrivait pas à formaliser. Souvent, les patients donnent mon livre à leur entourage pour qu’ils comprennent ce que l’on ressent.
Au départ, c’était donc plus pour raconter, pour partager sous forme de reportage. Mais j’ai su qu’il y aussi des hématologues qui l’ont lu et qui finalement n’imaginaient pas tout ce que cette maladie induit. Il est vrai que dans un rendez-vous de 20 minutes, on n’a pas le temps de tout aborder…

Qu’est-ce qui est important, selon toi, quand on est atteint d’une maladie rare ?

C’est de savoir, d’obtenir des informations, d’avoir des conseils, d’avancer, de ne pas être seul.e, d’accepter et de continuer à vivre.

Qu’est-ce qui te donne de l’espoir et te ressource dans les moments difficiles ?

Je n’ai pas trop de moments difficiles ou alors les moments difficiles, je les oublie. Ce qui me ressource, c’est sans aucun doute ma capacité à oublier, ma nature à aller de l’avant. Le corps a lui aussi cette capacité à oublier : j’ai eu des accouchements difficiles, mais cela ne m’a pas empêché d’avoir trois enfants. Ma carcasse avait oublié.

En fait, moi j’avance et je réfléchis après. Je me fie à mon instinct, d’une façon peu animale…

Plutôt que dire que j’ai des hématomes partout, je dis que je mute en licorne à, pois bleus.

Comment fais-tu au quotidien pour mener de front ta vie professionnelle d’indépendante et la gestion de ta maladie ?

Avant je n’arrêtais pas de travailler dans la journée. Maintenant, je fais une pause. Je démarre plus tard puisque j’ai besoin de dormir. En règle générale, je ne démarre pas avant 9h30. Si vraiment j’ai des choses urgentes à faire, je vais les faire sur mon téléphone dans mon lit. J’avance à mon rythme et je m’aménage du temps pour souffler, ayant depuis toujours mon bureau dans notre maison.
Mes clients savent pour la plupart que je suis malade. Je vis donc professionnellement complétement avec. Par contre si j’ai un déplacement professionnel, je sais que je vais le payer cher : pour trois jours de déplacement, je vais avoir besoin d’une semaine pour récupérer.
La clé, c’est aussi l’anticipation car je me connais bien. Mais j’adore l’idée de repousser les limites.
A côté de mon job, j’ai une association qui me prend beaucoup de temps. Cette association réunit des patients, des aidants et des soignants. L’objectif est de les orienter, de donner de l’espoir, de sensibiliser. On lance en septembre, Septembre Rouge pour sensibiliser aux cancers du sang.

Qu’est ce qui te motive à devenir patiente partenaire ?

Continuer à partager et prouver que la vie est trop belle pour se la gâcher avec une maladie. Expliquer aux malades qu’il faut oser poser les questions à leurs médecins. C’est pour cela que je me forme cette année…

Sa citation : Je déteste les étoiles qui ont oublié que leur première fonction était de briller au fond des yeux.

On ressent son énergie, son optimisme et sa joie de vivre, merci pour ce moment de partage.

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