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Le parcours de Catherine depuis son cancer du sein : de l’annonce aux traitements (1/3)

Annonce de la maladie
Le 29/08/2025 par Mathilde Murzeau
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L'article en bref

Née en 1961, Catherine ORSI a consacré 35 années de sa vie professionnelle au Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA) dans les domaines de la sécurité, des ressources humaines et de coordination de la mission handicap.

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Après être sortie de ses traitements pour un cancer du sein en 2017, elle réintègre son entreprise puis fin 2018, elle effectue une rupture conventionnelle et se reconvertie en 2020 en obtenant un DU en Éducation Thérapeutique du Patient à l'UPMC, Sorbonne. Bien qu'ayant pour projet à cette époque de développer un programme d’ETP en cancérologie en Corse, elle accompagne aujourd'hui à domicile des patients atteints de maladies chroniques et soutient bénévolement des femmes traitées pour un cancer du sein. Forte d'une riche carrière professionnelle, elle est la mère d'une fille âgée de 27 ans, dont elle est très fière. Premier entretien avec une femme aussi résiliente qu'humaine.

Comment as-tu découvert ton cancer du sein ?

Je passais une mammographie tous les deux ans. J’ai eu une première alerte en 2010 qui a occasionnée une biopsie du sein à cause de l’apparition de microcalcifications, lesquelles se sont avérées bénignes. J’ai continué à faire des mammographies régulièrement jusqu’en 2016. C’est l’augmentation significative de ces microcalcifications qui a entraîné une deuxième biopsie, confirmant ainsi les suspicions d’un cancer du sein.

J’étais suivie par mon gynécologue et mon radiologue dans une clinique privée. C’est le radiologue qui m’a d’abord informée du diagnostic à la suite de la mammographie. Il a aussitôt appelé mon gynécologue. Je l’ai rencontré le jour même, entre deux de ses consultations, à l’étage au-dessus. Il m’a fourni quelques explications complémentaires mais pas trop, avec le recul, je pense que cette concision était bénéfique. Tout s’est déroulé rapidement, mais par étapes, ce qui m’a aidée à mieux anticiper le parcours de soins à venir.

Comment as-tu réagi en apprenant ton diagnostic ?

J’ai ressenti une très forte émotion, rapidement, j’ai demandé : « Je ne vais pas en mourir ? ». La réponse du radiologue m’a rassurée : « Non, vous n’allez pas en mourir. Nous allons vous soigner, retirer la tumeur, et cela se traite bien ». J’ai eu la chance d’être entourée de professionnels bienveillants et clairs dans leurs explications. C’est environ une semaine après que j’ai véritablement pris conscience du diagnostic. Cette prise de conscience m’a libérée émotionnellement. Je me souviens de la mise en garde de mon médecin du travail qui m’avait parlée de cette phase post-diagnostic, où l’émotion peut être aussi intense qu’inattendue.

Quels traitements as-tu reçus et comment as-tu vécu cette période ?

De mars à juillet 2016, j’ai reçu 6 cures de chimiothérapie avec deux produits différents. En effet, par suite d’une intolérance sévère provoquant des allergies après la 3ème chimio de Taxotère endoxan, mon oncologue a prescrit du Taxol à la place. J’ai également eu des injections d’Herceptine pendant un an. J’ai anticipé la perte de mes cheveux en achetant une perruque avant la 1ere chimio, et je suis allée chez un coiffeur spécialisé en énergétique. Ce coiffeur a su m’accompagner avec douceur et bienveillance avant et pendant la perte de mes cheveux.

En octobre, j’ai démarré mes séances de radiothérapie, au nombre de 19. Dans l’ensemble, j’ai bien vécu le parcours de soins sur le plan moral. J’allais tranquillement à pied à l’Hôpital Européen Georges Pompidou (HEGP), tout près de chez moi. Je prenais mon temps. Différents soins de support m’ont été proposés à l’HEGP dès le début des traitements de chimiothérapie, tels que la réflexologie plantaire, l’ostéopathie ou un atelier de bien-être. J’ai également bénéficié d’une séance de Reiki à distance pour apaiser les brûlures consécutives à la radiothérapie, par un ami formé à cette pratique.

As-tu eu recours à un soutien psychologique ou à des groupes de parole ?

Je consultais déjà une psychologue occasionnellement or pendant cette période, je n’ai pas ressenti le besoin d’un soutien psychologique spécifique.

Comment ta famille et tes proches ont-ils réagi à la nouvelle ?

En fait j’ai rassuré mes proches. La méconnaissance des traitements et la peur provoquée par le mot « cancer » peuvent résonner de manière très négative en fonction de l’histoire personnelle de chacun. Savoir que l’on peut en guérir et que le cancer du sein est bien traité a rassuré ma famille. Toutefois, cela n’écarte pas l’inquiétude ni la tristesse que l’on peut susciter chez eux. Il est essentiel de s’entourer de personnes positives et optimistes. Cette période m’a aussi permis de faire le tri dans mes relations.

Quelle forme de soutien a-t-elle été la plus précieuse pour toi pendant cette période ?

En fait c’est un tout : ma famille, ma fille qui vivait avec moi, les conversations avec mes amies au téléphone, des rencontres, et surtout mes séjours en Corse chez mes parents avant chaque chimio. Prendre des notes et écrire dans un petit carnet qui m’accompagnait partout a aussi été bénéfique. La compagnie de mes deux chiens m’apaisait après les chimios et m’obligeait à sortir chaque jour.

Y a-t-il des commentaires ou des comportements de la part des autres qui t’ont particulièrement marquée, positivement ou négativement ?

J’ai principalement fait de belles rencontres à l’HEGP, notamment avec une jeune fille de 23 ans qui suivait les mêmes traitements que moi et qui avait aussi son petit carnet d’écritures. Le personnel était bienveillant et toujours de bonne humeur.

Comment ton quotidien a-t-il été affecté par la maladie et les traitements ?

L’arrêt du travail a été une première étape car j’ai mis du temps à lâcher prise, puis j’ai ressenti un décalage entre le monde extérieur – la vie des « agités » – et la bulle dans laquelle je me trouvais, rythmée par les chimios, les temps de récupération et les effets secondaires. Cela m’a permis de découvrir ma propre vulnérabilité, mais aussi de vivre mes changements physiques et existentiels.

Comme le dit Paul Eluard, « laissez-moi seul juge de ce qui m’aide à vivre ». Chacun est unique et réagit différemment face à la maladie.

As-tu apporté des changements à ton mode de vie à la suite de ton diagnostic ?

J’ai vécu pleinement dès que je sortais des effets de la chimio. Je m’organisais pour voir des amis ou prendre un verre en terrasse. Mes habitudes alimentaires ont changé : je cuisinais souvent des plats épicés pour compenser la perte de goût due au Taxotère. J’ai ensuite changé de traitement en raison d’allergies sévères. Je ne me suis rien interdit : j’ai tenté, expérimenté, puis fait des choix. Pour protéger divers organes mis à mal par la chimio et conserver un bien-être, j’ai suivi un traitement à base de compléments alimentaires prescrit par mon médecin généraliste. Le principal changement pour moi dans ma vie a été cette nouvelle temporalité qui s’est imposée à moi dans le contexte de la maladie, j’étais dans une bulle, en décalage, et cela peut entraîner parfois des incompréhensions de la part de l’entourage.

Comment ton travail a-t-il été impacté par ton diagnostic et ton traitement ?

À la suite de mon diagnostic, j’ai rapidement rencontré mon médecin du travail, avec lequel j’avais déjà des échanges réguliers du fait de ma fonction de coordinatrice de la mission handicap. Cependant, je n’ai pas immédiatement informé mes collègues et mon manager du diagnostic. J’ai d’abord mis à jour mon travail, rangé mon bureau, fait du tri pour la personne qui prendrait le relai pendant mon absence. Je ne m’attendais pas à une absence aussi longue, soit 18 mois d’arrêt de travail. Ce sont les résultats post-opératoires qui ont finalement déterminé les protocoles de soins. Bien que seule la radiothérapie ait été envisagée initialement, la découverte d’un deuxième type de cancer « infiltrant » a nécessité un traitement par chimiothérapie et hormonothérapie.

As-tu ressenti le besoin de parler de ta maladie à tes collègues ou à ton employeur ?

Étant déjà sensibilisée aux maladies chroniques et au handicap, j’en ai parlé à mon manager quelques jours après le diagnostic pour organiser mon travail en mon absence je pensais m’absenter quelques mois, en effet, seules l’opération du retrait de la tumeur et la radiothérapie étaient programmées. C’est une fois en arrêt maladie et post opération que j’ai compris que mon absence allait être beaucoup plus longue que prévue par suite d’un nouveau diagnostic.

Comment ont-ils réagi ? Ont-ils été soutenants ?

J’en ai parlé avec mon manager et certains collègues proches. Je suis encore en contact avec ces 2 ou 3 collègues avec lesquelles j’ai gardé des relations d’amitié. Sinon je n’ai pas eu vraiment de contact avec l’entreprise sauf peu avant ma reprise et cela m’a manqué. J’entretenais principalement une relation avec le médecin du travail. L’absence de soutien pendant l’arrêt de travail m’a fait réfléchir à la création d’une interface de liaison pendant l’arrêt pour les salariés diagnostiqués.

 As-tu rencontré des défis spécifiques au travail pendant ou après ton traitement ? Comment les as-tu surmontés ?

Durant mes traitements, j’ai décidé de ne pas retourner à mon poste initial. Grâce à la proposition de mon ancien manager, j’ai changé de poste dans le domaine de la sécurité et la prévention des risques professionnels, ce qui nécessitait une formation spécifique. Avant ma reprise, j’ai rencontré mon nouveau manager pour préparer mon intégration en mi-temps thérapeutique et lui ai demandé d’informer le collectif de travail des raisons du mi-temps. J’ai moi-même échangé avec mes collègues sur les effets secondaires de mes traitements.

Des aménagements spécifiques ont-ils été mis en place pour toi ?

À la suite d’une visite de pré-reprise, un temps partiel thérapeutique a été décidé par le médecin du travail, pour 6 mois. J’ai néanmoins souhaité ma reprise à plein temps au bout de 4 mois et j’ai pu commencer ma formation nécessaire au nouveau poste.

Quels messages souhaites-tu transmettre sur la détection précoce du cancer du sein ?

Il est essentiel de réaliser régulièrement des mammographies. C’est le moyen de détecter tôt une maladie qui peut être traitée.

Quel conseil donnerais-tu à une femme récemment diagnostiquée ?

De ne pas craindre de poser des questions si vous ne comprenez pas, de s’informer et de s’entourer de personnes positives. Chaque personne réagit différemment face à la maladie. Apprendre à s’écouter, prendre soin de soi.

Comment perçois-tu la sensibilisation au cancer du sein actuellement ?

Je pense que le cancer peut toucher tout le monde, à tout âge. Bien que l’alimentation soit souvent mentionnée comme facteur de risques, je suis d’accord pour dire que le stress et le mal-être sont des facteurs plus prépondérants que ce soit dans la vie privée comme professionnelle.

Comment as-tu vécu la rémission ?

La fin des traitements m’a laissée avec un sentiment de vide. Les rendez-vous médicaux rythmaient mes journées. Puis, ces rendez-vous se sont espacés, jusqu’à ce que le terme « rémission » soit rédigé sur un compte rendu hospitalier. Je le dis aujourd’hui avec humour mais l’oncologue du moment communiquait davantage avec son ordinateur qu’avec ses patients.

Quels défis as-tu rencontrés après avoir surmonté le cancer ?

L’une de mes préoccupations principales était l’accompagnement des salariés en arrêt pour cause de cancer ou toutes maladies chroniques. J’ai envisagé des améliorations pour les entreprises afin de mieux accompagner leurs salariés en évitant la désinsertion professionnelle. J’ai également suivi une formation interne pour intégrer une nouvelle équipe, malgré les effets secondaires invisibles persistants de mes traitements.

Comment envisages-tu l’avenir ? Quels sont tes projets ?

Tout est possible. J’ai d’ailleurs rejoint l’équipe de Coline.care et je prévois de retourner vivre en Corse. Je continuerai d’accompagner des femmes traitées pour le cancer du sein, cela a du sens pour moi et c’est un réel engagement qui me tient à cœur.

Pour conclure, que souhaites-tu que les gens retiennent de ton témoignage ?

Un dépistage précoce est essentiel car pris à temps un diagnostic de cancer du sein est souvent suivi d’une guérison. Il est important de s’entourer de personnes bienveillantes ; de prendre soin de soi, de se faire plaisir, de faire de soi une priorité.

Je terminerai par une citation de Sénèque que j’aime particulièrement : « Hâte toi de bien vivre et songe que chaque jour est à lui seul une vie. » ( 4 av. J.-C. – 65 ap. J.-C.)

Le 29/08/2025

À propos de l'auteur

Mathilde Murzeau

Journaliste spécialisée dans les questions de handicap invisible et d'inclusion professionnelle. Passionnée par les récits humains, elle donne la parole à ceux qui transforment le monde du travail par leur parcours unique.

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