“Pour remédier aux risques psychosociaux, il est essentiel de s’attaquer aux causes sous-jacentes” nous explique Benjamin Henry d’IMPACT QVT

2 avril 2024
Après une quinzaine d'années d'expérience en management dans divers secteurs, Benjamin Henry a observé l'émergence croissante des risques psycho-sociaux au travail, souvent négligés par les formations en management. Il souligne l'importance cruciale d'intégrer ces problématiques dans les pratiques managériales notamment pour prévenir le burn-out et soutenir les salariés concernés. Avec plus d'un quart de la population mondiale touchée par des troubles psychiques, il insiste sur la nécessité de sensibiliser et former les employés à ces enjeux afin de garantir un environnement de travail inclusif et respectueux pour tous. Entretien.

Est-ce que tu t’intéressais déjà aux risques psychosociaux lorsque tu étais manager ?

J’ai découvert cette problématique progressivement au cours de ma carrière en management. En encadrant des équipes, j’ai rapidement réalisé que la diversité était une réalité quotidienne.
Les troubles psychiques et les risques psycho-sociaux qui en découlent sont des aléas, et il m’est arrivé de me confronter à des comportements que je ne comprenais pas initialement. Plutôt que d’ignorer ces situations, j’ai choisi d’essayer de les comprendre et de les aborder avec les personnes concernées. En échangeant avec elles, j’ai souvent découvert des situations qui n’étaient pas apparentes de prime abord, car les individus ne sont pas tenus de divulguer leurs troubles. Cependant, lorsque ces problèmes affectent le fonctionnement de l’équipe, il est nécessaire de s’en préoccuper pour garantir un environnement de travail sûr et productif pour tous. Cela implique d’adapter le travail, comme l’exige la réglementation du code du travail, plutôt que de demander aux personnes affectées de s’adapter seules.

Pourrais-tu nous définir les RPS ?

Les Risques Psychosociaux (RPS) sont de plus en plus pris en compte dans le monde du travail, bien que leur considération soit relativement récente. Jusqu’en 2011, on se concentrait surtout sur les conséquences des RPS, sans vraiment aborder leurs causes. Cependant, des chercheurs comme Monsieur Gollac et Madame Bodier ont identifié six grandes catégories de facteurs de risques psychosociaux : l’intensité du travail, le temps de travail, les exigences émotionnelles, l’autonomie au travail, les relations sociales au travail et l’insécurité de la situation de travail.
Ces facteurs ont des implications sur la santé mentale des travailleurs et peuvent conduire à des problèmes tels que le stress, le burn-out, le brown-out c’est-à-dire la perte de sens ou le bore-out qui est le fait de s’ennuyer au travail. 

“Pour y remédier, il est essentiel de s’attaquer aux causes sous-jacentes en examinant l’organisation du travail, la gestion, les relations interpersonnelles et la perception des individus.” 

Une approche collective visant à améliorer les conditions de travail dans leur ensemble, connue sous le nom de Qualité de Vie au Travail (QVT) ou Qualité de Vie et Condition de Travail (QVCT), est privilégiée pour promouvoir le bien-être des travailleurs et la performance globale de l’entreprise.

Selon toi, prévenir les RPS, c’est contribuer à l’amélioration de la qualité de vie au travail ?

Je pense que la sensibilisation aux Risques Psychosociaux (RPS) est essentielle pour améliorer la Qualité de Vie et Condition de Travail (QVCT). Cependant, je crois qu’une approche efficace ne se limite pas à des activités de bien-être comme le sport ou la méditation. Pour réellement améliorer le cadre de travail, il est nécessaire de commencer par une analyse approfondie des conditions de travail et de la prévention des RPS. Cela implique d’examiner l’organisation du travail, le management, la culture et les valeurs prônées, les politiques des ressources humaines et les objectifs de l’entreprise afin de permettre à chaque individu de trouver son équilibre tout en contribuant aux performances de l’entreprise.

Est-ce que tu aurais un exemple concret à nous partager ? 

Bien sûr, je peux vous parler d’une action que j’ai menée l’an dernier avec Rochelle Chimenes. Dans le domaine des Risques Psychosociaux (RPS), il existe tout un panel d’outils de diagnostics bien établis depuis environ 25 ans. Il s’agit du diagnostic quantitatif et qualitatif, impliquant un questionnaire à choix fermés pour des données statistiques et des interviews pour des informations qualitatives. Cependant, malgré son utilisation répandue, cet outil présente des limites en termes d’efficacité et de coût élevé, le rendant peu accessible aux petites entreprises.

Ainsi, avec Rochelle, nous avons opté pour une approche plus pragmatique. Plutôt que de nous appuyer sur de grosses machineries traditionnelles, nous avons utilisé un outil sur étagère proposé par l’Institut national de la recherche et de la sécurité (INRS) pour fonder l’ensemble de notre démarche d’accompagnement. Notre objectif était de réaliser un micro-diagnostic dans une entreprise industrielle confrontée à un fort taux de turn-over et d’arrêts de travail.

En l’espace de deux mois, nous avons organisé cinq ateliers regroupant environ 20 participants chacun, soit au total 90 personnes dans l’entreprise. Nous avons encouragé la libre expression des employés, collectant à la fois des réponses quantitatives et qualitatives.

Contrairement aux diagnostics traditionnels, nous avons restitué les résultats sans filtre, même s’ils étaient parfois surprenants ou critiques envers la direction.

Cette approche a permis de mettre en lumière des cas de harcèlement moral persistants, entraînant une réorganisation complète des équipes de travail et une mise à jour des politiques de prévention.
De plus, notre intervention a suscité une prise de conscience générale au sein de l’entreprise, conduisant à une formation sur le harcèlement pour l’ensemble du personnel.

En résumé, cette mission a démontré qu’une approche pragmatique et ciblée peut produire des résultats significatifs en matière de prévention des RPS, contrairement aux méthodes traditionnelles souvent plus longues et coûteuses.

Est-ce que tu aurais un conseil pour les dirigeants qui liront cette interview ? 

Pour conclure, il est essentiel d’aborder les risques psychosociaux (RPS) avec un angle pragmatique et factuel, en considérant leur impact financier et l’image de l’entreprise.
Traiter les RPS en amont permet d’éviter des coûts considérables en arrêts de travail, turn-over, etc., et peut générer un retour sur investissement significatif, comme démontré par des études européennes.
Il est crucial de repenser le management et la communication au travail, en mettant l’accent sur le sens et l’engagement, par exemple en travaillant sur les valeurs et la culture d’entreprise. Sensibiliser les employés aux signaux faibles peut également être bénéfique, en leur donnant des outils pratiques pour détecter les problèmes potentiels et agir avant qu’ils ne s’aggravent.

Concrètement, investir dans la prévention des RPS peut sembler coûteux à court terme, mais offre des avantages économiques et organisationnels significatifs à long terme.

Merci pour ce témoignage riche sur les RPS en lien avec la QVCT.

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