En 2021, un AVC ischémique endommageait sa motricité à droite, et tout un pan de sa vie d’avant disparaissait. Mais sa vie d’avant, c’était aussi un poste de DG dans une entreprise de l’Immobilier social, plus de 25 ans dans son métier et dans la connaissance managériale et l’accompagnement des équipes. Son expérience des entreprises est un avantage pour trouver des options pouvant permettre des reprises d’emploi sur le long terme avec des aménagements respectueux du nouvel état post AVC. Entretien avec une patiente engagée.
Lorsque j’ai fait mon AVC en 2021, toute ma vie d’avant se voit chamboulée et notamment ma vie professionnelle. Alors je m’investis dans ma rééducation pendant plus de 2 ans.Et ma rééducation, ça a été réapprendre à écrire, réapprendre à marcher, et à me réinventer.
Je me considérais comme un bon manager – qui prenait soin de ses équipes et leur rappelait l’importance de l’équilibre vie personnelle/vie professionnelle, de la prise de recul ou encore des petits pas et du droit à l’erreur – et je me suis alors demandée comment j’avais pu me retrouver à un moment coincée dans la roue du hamster et à ne plus être capable d’en sortir jusqu’à faire un AVC.
En Janvier dernier le verdict tombe, je suis en invalidité de niveau 2 ce qui signifie que mon niveau de responsabilités ne sera plus jamais le même.
Je me questionne alors pour savoir comment je peux mettre à bon escient mes compétences d’avant – qui elles ne sont pas perdues et existent toujours – pour m’engager sur la gestion du stress au travail, la communication sur la pathologie et l’importance de réagir de façon urgente, la place de l’éducation thérapeutique dans le parcours de reconstruction et surtout tous les aspects du handicap invisible puisqu’ on ne voit quasiment plus rien aujourd’hui de mon AVC. Ce qui fait souvent dire aux gens – parce que je ne tiens pas la position debout très longtemps ou que je fatigue plus vite – qu’il faudrait que j’arrête de m’écouter !
C’est ce cheminement qui m’amène à devenir patiente experte sur l’AVC aujourd’hui.
Aujourd’hui, je pense que mon expérience de l’entreprise est un véritable avantage pour permettre de trouver des options et accompagner la reprise d’emploi sur le long terme avec des aménagements qui vont être respectueux d’un nouvel état post maladie.
On regarde souvent suite à une longue maladie ce que le salarié a perdu, ce qu’il ne sait plus faire et mon idée c’est de changer de paradigme et je trouve qu’il faudrait regarder tout ce que le salarié a appris pendant sa reconstruction et sait faire en plus. Mais bien sûr, ça demande de l’écoute et surtout des aménagements respectueux du nouvel état.
Cela m’a obligé à accepter que je n’étais pas superwoman car il y avait eu des alertes avant et il a fallu que je tape le mur pour comprendre que lorsque le corps dit non, il faut s’arrêter.
J’ai également pris conscience qu’il ne fallait pas pousser trop loin les limites.
Cela m’a appris beaucoup plus d’humilité. J’ai compris suite à cet accident tout ce que je devais respecter moi-même avant de le partager aux autres.
Alors la première chose quand on t’explique que ta vie d’avant est terminée c’est le processus de deuil. Tu apprends à faire de nombreux deuils. Ils sont nécessaires, sinon tu n’avances pas. Tu ne gères que des regrets et tu déprimes !
La seconde, je suis à l’écoute de mon corps. Par exemple, aujourd’hui quand je suis fatiguée, je me repose, car si je pousse trop, je vais mettre deux jours à récupérer. Je sais davantage m’écouter.
Ce que j’ai appris aussi, c’est que la maladie n’enlève pas les compétences. Je n’ai pas perdu mes compétences d’avant. Elles sont bien là, dans un temps réduit certes, mais elles sont là. Mon accident m’a donné l’argumentaire pour être crédible vis-à-vis des entreprises afin d’ accompagner les retours suite à des longues maladies.
L’expérience de la maladie fait de moi un être humain crédible et beaucoup plus à l’écoute.
Avant, en tant que dirigeante, il m’arrivait de râler sur les retours après un long arrêt maladie. J’étais humaine et empathique et pourtant en mon for intérieur, je jugeais plutôt que d’être à l’écoute et de chercher à comprendre.
Aujourd’hui je m’engage sur le handicap invisible afin de réparer et éviter à d’autres de mauvaises représentations et interprétations faciles.
Maintenant, en touchant de près le handicap invisible je sais à quel point on imagine pas tout ce que la personne peut endurer, malgré le fait qu’elle semble bien, pour pouvoir tenir professionnellement.
Aujourd’hui, lorsqu’on travaille sur la reprise au poste, on collabore avec la médecine du travail. La médecine du travail va envisager l’ergonomie du poste et proposer un mi-temps thérapeutique afin de constater si dans les six mois ou un an qui suivent, la personne peut tenir.
En échangeant avec des chefs d’entreprise je me suis rendue compte que malgré les aménagements réalisés ça ne tenait pas toujours et que dans les cas les plus extrêmes c’était le licenciement.
Une bonne option, selon moi, est de rencontrer la personne avant son retour, de manière informelle par exemple autour d’un déjeuner afin de la mettre à jour des changements, des évolutions et comprendre ce qui a changé pour la personne concernée.
Le jour où cette personne revient, faire en sorte que son chef de service, à minima soit là, autour d’un petit déjeuner ou déjeuner d’équipe par exemple afin qu’elle se sente accueillie chaleureusement.
C’est intéressant, sur le sujet de la fatigabilité commun à toutes les maladies chroniques, de lui demander son temps de concentration.
C’est important aussi de travailler aussi avec l’équipe, de dialoguer sur les conséquences de la maladie et pourquoi il y a des aménagements particuliers. Par exemple moi j’aurais aimé savoir ce qui a été communiqué à l’équipe.
L’accompagnement aussi est très important pour avoir une oreille attentive extérieure à qui on peut dire “ça fait mal” et que cette oreille là peut répondre “je comprends parce que je l’ai vécu aussi”.
Ce que je trouve extraordinaire dans ce que vous faites c’est que vous permettez d’avoir une écoute dans les moments difficiles.
Ré-accueillir quelqu’un qui revient d’un long arrêt maladie c’est comme accueillir un nouveau collaborateur, cela se prépare avec les bons interlocuteurs présents, avec un message de bienvenu par exemple.
Pour réussir le retour, il faut de l’humain et du temps pour qu’elle se sente bien et en sécurité.
J’aimerai m’engager dans le partenariat patient soignant. J’aimerai pouvoir intégrer des conseils d’administration afin d’apporter mon expertise sur l’inclusion des personnes en situation de handicap pour trouver un lien avec ma vie avant et après AVC.
J’ai compris que je ne pourrai plus tenir un poste comme avant ! Mais j’ai appris que les quelques heures par semaine où je suis capable de concentrer mon attention peuvent être utilisées dans le bénévolat, les actions comme Coline.care ou tout simplement pour aider ceux qui traversent la même chose que moi.
Le graal serait aussi d’être conférencière et de faire de la prévention, parler du handicap invisible et de la maladie chronique !
Bref, partager et aider pour me permettre de continuer à exister, car au final, je suis en vie !
© Photographie : Frédéric Seux
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