“Les femmes ayant vécu la même expérience peuvent offrir du soutien, des conseils et des astuces précieuses.” témoigne Bertille, patiente partenaire endométriose

15 mars 2024
Bertille Flory, 38 ans, est atteinte d’endométriose et nous partage son expérience en tant que responsable de la communication chez RTE (l’entreprise qui gère le réseau de transport d’électricité en France)et patiente partenaire. Avec quinze ans d'expérience dans le domaine de la communication, elle souligne l'importance de concilier sa carrière professionnelle avec la gestion de sa maladie chronique. Ayant suivi une formation à l'Université des patients de la faculté de médecine de la Sorbonne, elle apporte un soutien aux femmes touchées par cette maladie pour améliorer leur qualité de vie. Entretien.

Depuis combien de temps es-tu atteinte d’endométriose et comment cela a-t-il affecté ta vie professionnelle ?

J’ai été diagnostiquée en 2016 de manière complètement fortuite lors d’une grossesse extra-utérine. Jusque-là, j’avais des douleurs très importantes les premiers jours de mes règles, pour lesquelles je prenais des traitements antalgiques, mais malgré cela, je continuais à travailler. Suite au diagnostic en 2016, j’ai suivi un parcours de fertilité qui a nécessité de nombreux rendez-vous avec des médecins. Heureusement, l’entreprise dans laquelle je travaillais était très conciliante et à l’écoute, prenant soin de ses salariés sur ces sujets.
J’avais des rendez-vous sanctuarisés et le droit de bénéficier de rendez-vous spécifiques. Ensuite, avec tout ce que j’ai pu mettre en place en termes de prise en charge de ma maladie, de mon parcours et de mes aménagements, aujourd’hui, je ne ressens quasiment plus aucune douleur ni symptôme. 

“La maladie n’a plus aucun impact sur ma vie quotidienne.”

Quels sont les principaux défis que tu as rencontrés dans ta vie professionnelle en raison de l’endométriose ?

Dans l’ensemble, le défi principal résidait dans le fait de continuer à travailler malgré les maux de ventre (liés à la fois aux règles et à la digestion très perturbée), tout en étant incapable d’en parler ouvertement en raison du tabou qui entoure les questions gynécologiques et menstruelles. Il est également difficile de s’exprimer librement sur les sujets du handicap et de la maladie chronique. On se pose alors un certain nombre de questions : “Dois-je informer mon manager de l’endométriose dont je suis atteinte ? La médecine du travail et les ressources humaines sont impliquées, mais faut-il en parler à mon manager ? À mes collègues ? Comment gérer cette situation ?” Et puis il y a aussi la peur d’être stigmatisée qui coexiste avec l’espoir d’une meilleure compréhension et de la bienveillance. Concrètement pour moi, le principal dilemme était de décider si je devais en parler ou non. 

Après le diagnostic, j’ai parfois été contrainte de quitter une réunion en raison de crises digestives. Heureusement, je n’ai jamais fait l’objet de remarques désobligeantes à ce sujet. Mais ça peut arriver qu’il y ait des femmes qui soient stigmatisées et qui soient placardisées parce qu’elles ne peuvent pas travailler, parce qu’elles ne sont pas suffisamment présentes, parce qu’elles ne sont pas suffisamment productives, parce qu’elles arrivent en retard trop régulièrement, etc. Ce qui n’a pas été mon cas. J’ai des journées de télétravail, ce qui me permet aussi de ne pas générer encore plus de fatigue avec les déplacements, le temps dans les transports, etc.. Parce que cette maladie génère notamment beaucoup de fatigue chronique.

Comment gères-tu les symptômes de l’endométriose au travail ?

Avant et après le diagnostic de l’endométriose, j’ai expérimenté divers traitements contre la douleur, y compris des méthodes naturelles comme l’électrostimulation et les huiles essentielles, ainsi qu’un changement d’alimentation. Ce changement alimentaire s’est avéré difficile, surtout lors des repas à la cantine de mon entreprise, où trouver des options adaptées était compliqué. Heureusement, avoir une trousse de secours était pratique, tout comme le télétravail, qui m’a beaucoup aidé. Pour soulager les maux de ventre, j’ai dû initialement tolérer la douleur, prendre des médicaments anti-inflammatoires et serrer les dents. Parfois, j’ai dû donner des excuses pour, par exemple, éviter d’aller boire un café avec des collègues, parce que je ne pouvais pas me lever de ma chaise. 

Aujourd’hui, je peux parler librement de ma pathologie et expliquer mes choix alimentaires, mais cela n’était pas aussi facile avant le diagnostic, surtout pendant les premières années qui ont suivi.

À quel moment c’est devenu plus facile de communiquer auprès de tes collègues et de ton employeurs sur ce sujet ?

La principale préoccupation pour moi était de ne pas pouvoir concevoir un enfant en raison de la maladie. Lorsque les symptômes ont presque disparu et que j’ai pu avoir mon premier petit garçon, il était plus facile d’en parler, car cela n’impacte pas significativement mon travail quotidien. Je crains que si les symptômes avaient été plus handicapants, il aurait été plus difficile d’en discuter, de peur d’être stigmatisée ou de voir ma carrière affectée. 

Quels conseils donnerais-tu aux femmes atteintes d’endométriose qui cherchent à équilibrer leur vie professionnelle et leur santé ?

Il est crucial de ne pas se sentir isolée lorsqu’on vit avec l’endométriose. 

“De nombreuses femmes ayant vécu la même expérience peuvent offrir du soutien, des conseils et des astuces précieuses.” 

Il est important de communiquer avec la médecine du travail et de bénéficier du soutien de son médecin traitant pour obtenir des prescriptions médicales. Il est également essentiel de s’écouter soi-même : si l’on ne peut pas travailler, il est nécessaire de le reconnaître. Résister à la douleur peut aggraver la situation à long terme, augmentant la fatigue et l’intensité des douleurs. Prendre une journée de repos ou travailler depuis chez soi peut souvent aider à se sentir mieux immédiatement. Il est donc important de mettre en place du télétravail si possible et de se sentir légitime à le demander, car cela peut être bénéfique à la fois pour le travailleur et pour l’entreprise. Il est également important d’explorer les différentes options disponibles, telles que la reconnaissance du statut de travailleur handicapé, le mi-temps thérapeutique ou les congés de longue durée, qui peuvent aider à compenser les absences. Il existe de nombreux dispositifs législatifs et d’entreprise méconnus mais utiles, donc il est essentiel de se renseigner auprès de diverses sources, y compris la médecine du travail, les assistantes sociales, les associations de patients et les médecins, pour trouver des solutions adaptées. Enfin, il est important de chercher dans le même temps à réduire les symptômes et les douleurs en explorant différentes approches médicales, chirurgicales et de soins de support, ce qui peut permettre de travailler presque normalement malgré la maladie.

Penses-tu qu’il y ait encore des préjugés ou des incompréhensions autour de cette maladie sur le lieu de travail ?

La plupart des gens ont une vision erronée de l’endométriose, la considérant comme une simple douleur menstruelle passagère, alors qu’en réalité, elle peut entraîner des douleurs chroniques – qui sont pour certaines femmes permanentes, des problèmes digestifs, urinaires, une infertilité et la fatigue. Cette maladie est largement méconnue et souvent stigmatisée, étant perçue comme une maladie féminine mineure. Les symptômes et l’impact sur la vie quotidienne sont sous-estimés, et de nombreux tabous entourent la discussion sur cette maladie. 

Comment pouvons-nous sensibiliser davantage les entreprises à l’endométriose ?

Il est essentiel d’organiser des conférences de sensibilisation, telles que celles menées par Coline, mais il faut aussi changer la culture managériale en entreprise, notamment en ce qui concerne le présentéisme. Le télétravail est une option viable, et une absence de quelques jours par mois ne signifie pas une baisse de productivité sur ces jours-là ou le reste du temps. 

Il est crucial d’améliorer la communication sur l’endométriose pour éviter la désinformation dans les médias. 

La médecine du travail peut, peut-être aussi, jouer un rôle important dans l’explication précise de la maladie en entreprise. Il y a beaucoup à faire pour sensibiliser les managers, qui sont les premiers concernés.

“Il est essentiel de rappeler qu’il existe des solutions pour améliorer le quotidien et concilier vie professionnelle et maladie chronique. Il ne faut pas abandonner et continuer à rechercher des solutions, car il est possible d’améliorer sa qualité de vie. Bien que cela demande du temps et de l’énergie, les efforts en valent la peine.”

Merci pour ce partage sincère afin de sensibiliser à l’endométriose à travers ton savoir expérientiel.

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