Nous avons eu la joie de recueillir le témoignage de Laura, patiente partenaire sur coline, qui après 3 ans et demi de traitement anti-cancer et 15 mois d'écriture a publié son livre, qui se lit d'une traite et la représente bien : touchant et spontané.
Présentation à partir d’un objet
A côté de moi, j’ai une aiguille de broderie, j’ai souvent des aiguilles pas loin ou des crochets, c’est ce qui me représente avec la passion des loisirs créatifs. Finalement, il n’y a pas de hasard, c’est l’aiguille qui me représente, exactement comme le titre de mon livre.
Parcours (“tu aurais dû être soignée en 6 mois”)
J’ai été diagnostiquée à 24 ans, il y a 3 ans et demi d’un lymphome de Hodgkin, qui est connu pour se soigner en 6 mois, c’est ce que les soignants disent et pourtant, de plus en plus sont réfractaires, qui passent par l’auto-greffe et, 10% dans l’auto-greffe ne fonctionnent pas donc c’est allogreffe ou plus récemment, ce que j’ai pu bénéficier notamment c’est l’immunothérapie. Les essais venaient de se terminer quand j’ai commencé l’immunothérapie il y a 2 ans.
Avant de tomber malade, j’ai toujours été passionnée de loisirs créatifs, je me suis formée au métier d’infographiste, j’ai fait un BTS et une licence pro dans le web. J’ai enchaîné les CDD pour avoir un maximum d’expérience et trouver ce que j’aimais faire. J’ai même fait une mission de 6 mois en Irlande.
Pourquoi as-tu souhaité partager ton vécu à travers ton livre “un cancer et mille aiguilles” ?
Au début ce n’était pas un projet mais j’ai toujours aimé écrire dans mon journal intime, au fur et à mesure des évènements, même avant la maladie, c’est juste avant le premier confinement, pour m’amuser, je cherchais quel serait le titre du livre de ma vie. Cela faisait un peu beaucoup donc je me suis rabattu sur cette période du cancer et c’est le titre qui m’est venu en premier et ensuite les chapitres. Je me suis dit, il faut que je le fasse. même s’il n’y a que moi que, je le fais, il faut absolument que je le fasse, surtout pour mes grands-parents, qui habitent loin, deux se sont vraiment tracassés, les chimios d’y il y a 20 ans ne sont plus les mêmes qu’aujourd’hui, ils imaginaient le pire. Et au contraire, les grands-parents de l’autre côté essayaient de se rassurer comme ils pouvaient en disant, “ça va aller”, donc personne n’avait vraiment entendu la réalité donc c’était important pour moi d’en parler.
Cette expérience a été très difficile pour eux, ce n’est pas la suite logique des choses. Ils me soutiennent comme ils peuvent mais ils ne savent pas vraiment quoi faire. Mes grands-parents ont pleuré en lisant mon livre mais ça les a soulagés.
Tu souhaitais notamment lever les tabous, pourquoi selon toi vivre avec la maladie ou un cancer est encore trop tabou dans notre société ?
Je pense que c’est parce qu’on ne connaît pas assez, quand c’est tabou c’est qu’on ne maîtrise pas assez le sujet. Cela commence à être de mieux en mieux, on le voit notamment à la TV, il y a deux ans quand on parlait d’un décès, on utilisait souvent la phrase “mort des suites d’une longue maladie”, petit à petit, les personnalités osent dire qu’ils ont un cancer. Si ces personnalités décèdent, les médias disent clairement qu’elles sont mortes des suites de leur cancer, ce n’est plus caché.
Mais beaucoup d’acteurs, de présentateurs le cachent, surtout lorsqu’ils sont jeunes, c’est dommage, c’est tabou et ça devrait pas, on peut encore continuer de faire des choses, même lorsqu’on a un cancer. Il faut en parler de plus en plus pour libérer la parole. A l’époque, le cancer était associé à la mort, c’est différent aujourd’hui avec les progrès de la science.
J’ai bien aimé les bulles « piquée au vif” qui nous montrent à quel point le chemin est encore long pour accueillir et accompagner la maladie. Pourquoi selon toi les personnes peuvent parfois manquer de tact face à la maladie ?
Je me suis très longtemps posé la question et c’est avec l’aide de la psychologue que j’ai eu la réponse qui se résume en un seul mot, la peur. Ils ne savent pas quoi dire, ils ne savent pas quoi faire, parfois ils disparaissent totalement de la vie de la personne. On en revient au tabou et au fait de se renseigner sur le sujet.
Savoir cela m’a aidé à les excuser, cela m’a réconforté, j’avais beaucoup de colère envers les gens. De mon côté, je n’ai jamais été comme cela, j’ai toujours voulu aider les autres.
Tu en parles dans ton livre, quels conseils pourrais-tu donner à ceux qui se battent et pour qui la rémission prend du temps ? Quels conseils pourrais-tu donner aux proches ?
Il y a tellement de conseils, il faut bien accueillir ses humeurs, quand ça ne va pas ce n’est pas grave, quand ça va, tant mieux. Parfois ça ne va pas le matin et ça va mieux le soir, c’est important de vivre les émotions de cette manière.
Le conseil pour les proches est d’être présent, de dire un petit mot, de faire une petite attention, on ne demande pas grand chose. Par exemple, mon tonton ne savait pas comment s’y prendre alors il m’envoyait un coeur de couleur diffférente à chaque fois. C’est une petite attention mais ça fait du bien, ça fait rire, c’est important.
Qu’est ce que la maladie a changé dans ta vision de la vie ?
On ne fait plus les choses en se disant, on verra dans 10 ans, ou dans 5 ans, on partira faire tel voyage. Si on veut faire quelque chose, on se dit qu’on a envie de le faire tout de suite, on vit beaucoup plus dans le présent. Même s’il y a eu un gros tracas, je continue de me tracasser pour des petites choses futiles, il ne faudrait pas mais on est humain, on ne peut pas tout contrôler.
Tant qu’on a pas été confronté à la maladie, on ne peut pas s’imaginer à quel point on est fort. Ce n’est pas parce qu’on est jeune qu’on est moins fort.
Qu’est ce qui t’a particulièrement fait du bien dans ton parcours de soin ? et au final qu’est ce que tu aimerais changer ?
Pour les deux questions, je dirai l’humanité des soignants. D’un côté, certains sont très humains, c’est agréable de les voir et de leur parler, de l’autre côté, certains sont plus détachés, plus froids, c’est plus difficile quand on va les voir à l’hôpital, qu’on a pas le moral et qu’on tombe sur eux mais en général ils sont très humains. Le contact avec les soignants est très important. C’est important de se sentir à l’aise.
Pouvoir partir à la mer, je n’ai jamais vraiment été fan de l’océan mais c’était important pour moi de partir et de me ressourcer.
On le voit à travers ton livre, tu es une gourmande, comment la nourriture t’as apporté du réconfort ou au contraire pourquoi c’était parfois difficile ?
C’est compliqué, au début ça va et ensuite, les odeurs à l’hôpital s’intensifient, on ne peut plus manger grand chose, le plateau me dégoutait, la serviette en tissu me dégoutait aussi. Je ne mangeais presque rien à l’hôpital, j’apportais ou je me faisais souvent livrer de la nourriture à l’hôpital, c’est agréable de pouvoir manger thaï dans la chambre d’hôpital. Ce sont des petites choses qui font oublier le quotidien de l’hôpital.
C’est un peu comme pour les femmes enceintes, quand on est malade, on a souvent des envies de nourriture très spécifiques. J’étais très à l’écoute de ce que mon corps voulait à ce moment.
La nourriture est pour moi une source de réconfort.
Les soins m’ont forcé à m’écouter. Je vais moins me forcer pour faire plaisir ou voir des personnes, je fais en fonction de mon instinct, je suis un peu plus égoïste.
La maladie m’a volé de belles années d’insouciance et mon énergie mais d’un autre côté, elle m’a fait gagner du temps avec des amitiés qui n’en valaient peut être pas la peine, elle m’a procuré une connaissance de moi même et de ce que j’aime vraiment. Je vois la vie différemment même si je tracasse pour des petits soucis du quotidien.
Je reste positive, j’ai eu besoin du cancer pour grandir et apprendre, j’ai grandi peut-être plus vite que d’autres. La maladie nous a donné un coup de vieux 🙂
Tu nous as aussi parlé de musique, quelle musique aurais-tu envie de nous partager aujourd’hui ?
Comme je dis dans le livre, certaines musiques résonnent dans le corps et qui font beaucoup de bien. En ce moment, celle qui passe pas mal est le Chant des colombes d’Amel Bent, qui relaxe, la musique me ressource.
Quels sont les premiers retours sur le livre ?
J’ai un peu de promo à Tours, la ville dont je viens, j’ai surtout eu des retours par message. Je ne m’y attendais pas, je pensais que les gens allaient lire le livre mais ne pas m’envoyer de messages. Le mot qui revient beaucoup dans les messages est “dévorer”. Les lecteurs ont beaucoup apprécié mon livre, chacun à son histoire c’est important d’avoir des retours aussi positifs.
Le livre est simple, accessible, il parle à tous, il ouvre les yeux sur de nombreux sujets.
Quels sont tes projets en ce moment ?
Cela m’est tombé dessus comme une évidence, je me lance dans la réalisation de carnets, de rendez-vous. J’ai remarqué à l’hôpital que les patients à côté de moi quand je vais en traitement ont des post-its, ils notent leurs questions, ils notent sur un autre bout de papier les réponses des médecins. Moi j’avais toujours un petit carnet que maintenant je n’emporte plus donc j’oublie les questions.
Je me suis dit, pourquoi on aurait pas tous un carnet, on nous donne un énorme classeur en début de traitement, on y range notamment les ordonnances. Alors qu’un carnet, on pourrait poser les questions, ajouter les réponses, on pourrait ajouter la météo des émotions et une partie avec des jeux et des coloriages.
A aucun moment, il y a le mot cancer, ça reste coloré, c’est plus sympa.
Merci beaucoup Laura, merci 1000 fois pour ton témoignage.
Qui sommes-nous ?
Nous rencontrer
Légal
Numéro de déclaration d’activité :11788548478